Être prof

Gabriel Avedikian
7 min readSep 14, 2021

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L’envie de partager un retour d’expérience sur le fait d’être intervenant dans le monde numérique. Cela fait depuis 2015 que j’interviens, officiellement. J’enseigne des matières couvrant l’Expérience utilisateur, passant par la recherche utilisateur, le design d’interface (Web, installation interactive, AR / VR ), workshop à propos d’idéation, décision. J’aime bien aborder des situations que j’ai pu vivre dans le monde pro, l’entrée dans une boite, la posture de Junior vs Middle vs Senior, la façon de pitcher, d’argumenter, bref mon expérience dans le monde pro.

Cet article me trotte dans la tête depuis quelques mois, où je me suis posé énormément de questions sur mon rôle d’intervenant, notamment pendant la pandémie, sur ce que je pouvais réellement apporter à ces étudiants parfois dans des situations compliquées.

Professeur vs Intervenant

Pourquoi je fais la différence entre ces deux termes ? Je pars du principe qu’un prof a été formé pour l’être. On lui a enseigné des méthodologies spécifiques sur comment transmettre ainsi que des outils. Je n’ai malheureusement ou heureusement pas eu de formations pour. Je me suis contenté d’observer mes pairs, de prendre le meilleur et essayer d’apporter ma touche. Me considérant plus comme un intervenant, faisant du mentoring.

J’aime beaucoup la définition du mentoring.

Le mentorat (mentoring en anglais) désigne une relation interpersonnelle de soutien, une relation d’aide, d’échanges et d’apprentissage, dans laquelle une personne d’expérience, le mentor, offre sa sagesse acquise et son expertise dans le but de favoriser le développement d’une autre personne, le mentoré, qui a des compétences ou des connaissances à acquérir et des objectifs professionnels à atteindre.

src : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mentorat

Je pense qu’on témoignage de son expérience personnelle, on fait appel à notre bon sens et son intuition. J’aime me dire que j’essaye de saisir quel est le réel besoin en face de moi. C’est pour cela que je n’hésite pas à reprendre des bases quand je vois des manques ou qu’au contraire je vais au-delà du programme quand je vois que je peux avancer vite.

C’est quoi être prof dans le digital ?

Être prof dans le numérique c’est à la fois cool et à la fois flippant. Nous héritons de métiers où les fondamentaux existent, je pense notamment au Print & les règles de graphismes, les bases de l’ergonomie ou encore les sciences cognitives qui interviennent dans le design. Mais ce sont des jeunes métiers, qui évoluent très vite et il est vital de se tenir à jour.

Nous ne pouvons pas nous permettre d’enseigner exactement le même programme au fur et à mesure des années, nous devons l’adapter, l’ajuster et bien évidemment l’améliorer. On doit prendre en compte aussi les personnes que nous allons avoir en face de nous.

Les domaines s’hyper-spécialisent aussi, rien que dans nos fameux titres de métiers on le voit, mais du coup les compétences correspondantes s’enrichissent, on cherche à aller plus loin. Passionnant n’est ce pas ?

Monde qui évolue tellement vite

Je me souviens d’une phrase d’un intervenant :

“Voilà comme je faisais il y a 10 ans avec ce soft, mais maintenant voilà comme il faut faire, je vais vous expliquer le cheminement.”

[20min après …]

“Maintenant on le fait en 2 min avec cette touche 🤪 ”

Je trouvais ça génial de voir la démonstration et de voir l’évolution.

J’ai aussi rencontré le cas contraire, où j’avais l’impression qu’on enseignait une vision passée qui n’est pas vraiment plus d’actualité sur le marché. Sentiment malaisant je pense de la part des deux côtés, évidemment je ne voulais pas faire ressentir cela à mes étudiants.

Moi vs Youtube ou toute autre plateforme

Encore une fois, je me demande quelle est la plus-value d’être prof vu toute la pléthore de ressources que nous avons sur internet. Je l’ai compris il y a quelque temps : C’est le partage d’expérience. C’est capital. Expliquer le contexte, expliquer comment on a réussi mais surtout expliquer où nous avons échoué, galéré pour potentiellement donner des raccourcis et donner des tips qui ont marché pour nous ! Nous ne devons pas lutter contre ces plateformes où les voir comme des concurrents à notre transmission. Au contraire, c’est une équipe gagnante que vous devez construire.

Orienter vers les bonnes ressources, hiérarchiser toute cette information envahissante et la mettre en pratique dans vos cours 😁

Ma frustration d’être prof, mon envie d’en faire plus

Quel type de prof : le mec strict, le mec cool, trouver le juste milieu ? Mine de rien je suis assez jeune je dirais, encore plus physiquement 🙊 Donc les personnes à qui j’enseigne ne sont au final pas si éloignés de moi. Cela peut créer quelques situations cocasses.

Je revois la scène dans How I met your mother, lorsque Ted se demande quel prof il sera et comment il doit être en cours. J’ai jamais eu la réponse à cette question. Je le fais selon l’énergie que je ressens, et comment je peux créer quelque chose avec cette classe. Cela a des avantages et des défauts mais au final, dans la majorité des cas, cela a fait naître de beaux moments, où j’ai pu voir de la progression, de l’envie, des déclics, des belles réussites.

Après ces quelques années, j’ai pris conscience de l’importance d’enseigner. Nous formons nos futurs collègues, ou simplement des personnes qui vont faire et porter le même métier que vous-mêmes. Nous portons notre message que nous avons reçu, que nous avons transformé et que nous transmettons.

C’est très important de ne pas idéaliser, mais de donner la réalité des choses pour pouvoir faire en sorte que la projection puisse être réelle. Transmettre c’est avant tout partager son expérience, être pédagogique dans la façon d’emmener la connaissance. En soit de la créativité à l’état pur ! Car une méthode marchera pour une personne et pas pour une autre, la dynamique d’un groupe sera différente en fonction de tellement de paramètres. Trouver le truc en fonction de l’auditoire que vous avez en face de vous est un véritable défi mais n’est ce pas au final le côté le plus cool ?

Je fais attention à ne pas avoir la parole unique dans un enseignement. Rapidement je me suis rendu compte que j’arrivais à faire passer des messages, à enseigner comment je voyais les choses. Mais pour moi ce sont l’addition de multiples personnes, sources, qui m’a permis de me forger et de pouvoir délivrer cet enseignement.

Lorsque je vois que les étudiants maîtrisent les notions que souhaite transmettre, je fais en sorte de m’effacer et d’intervenir sur un autre modèle (Par ex plus en mode direction de projet, ou je me contente de challenger et de donner mon avis).

Être intervenant durant la pandémie Covid-19

C’est vraiment pas évident ! L’interaction n’est plus la même, le contexte de chacun est différent, nous ne sommes plus dans le même espace et chacun a sa façon d’aborder la situation. Je ne vais pas écrire sur les différentes administrations, je pense qu’il y a eu la réaction qu’il y a eu, à nous maintenant d’en tirer les enseignements et voir comment nous pouvons mieux faire.

Me concernant, j’ai dû réinventer la façon de faire cours. Changer ma façon d’interagir, de montrer, de saisir quand il y avait des incompréhensions. Pour bien comprendre le contexte, vous donnez cours, vous êtes face à votre écran, et chaque élève est là plus ou moins derrière son écran. Niveau ambiance : pas la folie.

Niveau technique déjà, on n’a pas attendu, Hop un écran en plus dédié à la gestion des différents médias, un micro de qualité pour un son audible, des supports préparés exprès pour ce nouveau contexte, l’utilisation de supports interactifs comme Miro, Figma ou encore Klaxoon.

Niveau organisation : On annonce le programme, les différents points de rendez-vous et ensuite on laisse l’autonomie. A partir de là, selon le moment du cours, on se permet de faire des coucou à des personnes où on sent une énergie basse ou avec peu d’activité. Si une question revient souvent, hop, on procède à un instant plénière, on réexplique le point à tout le monde. Il est pas mal d’instaurer plusieurs fonctionnement différents au fur et à mesure des sessions histoire de varier et de dynamiser le cours.

Le retour au présentiel est un soulagement pour la plupart mais je pense que nous pouvons tirer de riches enseignements et voir une autre façon maintenant d’interagir et de pouvoir mener nos interventions. Un modèle mixte pour les années futures ? J’en suis convaincu.

En conclusion, je dirais qu’être intervenant est une grande chance, une responsabilité et un défi de tous les jours. C’est pour moi une passion de pouvoir échanger, transmettre et voir évoluer toutes ces personnes, c’est ma respiration dans mon travail.

Les 13 Conseils que j’aurais aimé savoir si je devais commencer

  • Être exigeant envers vous-même, vous pourrez l’être avec vos padawans. Je déteste être en retard, mes étudiants savent qu’ils ne doivent pas être en retard 😨
  • Partager sans limite, la clé de notre métier, ne donnez pas toutes les recettes de façon instantanée, il est parfois important de comprendre plus le process que la finalité.
  • Demander un feedback régulièrement sur le rythme, le contenu, vous construisez 80% du cours, vous le co-construisez à 20% avec vos étudiants.
  • Ne pas plaire à tout le monde est une (dure) réalité ?! Nous nous attachons à des personnalités, assumons-le.
  • Ne jamais négliger le temps de faire un feedback, ou au moins un retour global sur la classe pour en tirer les grands enseignements mais ensuite prenez le temps de faire un feedback perso si le contexte le permet. Plusieurs formes possibles, à l’écrit, ou en visio sur un temps dédié. Les différents points peuvent répondre à beaucoup des questions communes.
  • Le ratio magique ? 40% théorie et 55% pratiques et 5% anecdotes. Plus vous avancez dans les cursus, vous pouvez privilégier l’aspect pratique à l’aspect théorique.
  • Faire des petites interrogations en début de cours sur le précédent sans grands enjeux peut permettre de valider ou de revoir des notions.
  • Ne pas donner de devoirs que vous ne pouvez pas corriger ou faire un retour suffisant.
  • Avoir un support de base que vous pouvez partager rapidement.
  • Être francs sans être blessant, mais aller à l’essentiel.
  • Sentir un malaise avec un groupe peut arriver, désamorcez- le simplement, posez la question humblement.
  • Ne pas avoir la réponse peut arriver, encore heureux, n’inventez pas n’importe quoi. Soit vous recherchez la réponse, soit vous faites appel.
  • Instaurer une relation de confiance et de partage, autoriser la contradiction pour trouver une liberté d’expression dans un respect mutuel.

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Gabriel Avedikian
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Written by Gabriel Avedikian

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